Après avoir traversée l’océan sous forme de larves, remontée le fleuve Somme sous forme de civelles puis d’anguillettes, passée plusieurs années à rechercher de la nourriture pour constituer ses réserves, l’anguille est prête à repartir vers la mer pour aller se reproduire. Cette migration, appelée dévalaison, est une phase critique pour la réussite du cycle de vie de ce poisson emblématique plus que jamais en voie de disparition. C’est cet aspect de la vie de l’anguille qui est suivi par les techniciens de la Fédération depuis 2013 en Haute-Somme avec l’anguillère d’Eclusier-Vaux comme point de départ.
La capture
Ce piège traditionnel est utilisé chaque automne pour capturer des individus matures appelés anguilles argentées ou « cacheux » pour les picards. La diminution de la durée du jour et l’augmentation des débits de la Somme liées aux pluies automnales sont autant de signes qui déclenchent la migration de ces poissons. Cette saison, plus de 460 anguilles ont été capturées entre octobre 2020 et avril 2021, ce qui représente environ 450 kg. En moyenne, les anguilles mesurent 81cm et pèsent 1.3kg.
Le suivi des déplacements
Le piégeage permet dans un premier temps d’estimer les quantités d’anguilles qui transitent sur le fleuve depuis la Haute-Somme. En parallèle, depuis 2017, une partie des captures à l’anguillère est équipée de petits émetteurs codés individuellement, placés sous la peau du ventre suite à une légère intervention chirurgicale. Dans un second temps, les individus sont relâchés au-dessus de l’anguillère. Leurs déplacements peuvent ainsi être suivis grâce à l’installation d’antennes de détection au niveau de chaque bras et chaque vannage sur les différentes chaussée-barrages. La première a été équipée en 2017 à Eclusier-Vaux, ensuite Cappy en 2018, puis Neuville-lès-Bray en 2019 et enfin Sailly-Laurette en octobre 2020. Au total, les déplacements des anguilles sont suivis sur 22 km de cours d’eau, toutes les voies de passages sont couvertes.
La voie n’est pas toujours toute tracée.
Depuis octobre 2017, 589 anguilles ont été marquées à l’anguillère. Les individus les plus matures sont ciblés grâce aux mesures réalisées suite à leur capture (mesure de la taille de l’œil et de la nageoire). En moyenne, les anguilles dévalantes sont détectées 75 jours après leur marquage à Eclusier-Vaux. En revanche, la migration jusqu’à La Neuville-lès-Bray est ensuite plus rapide avec des anguilles qui parcourent les 7 km de rivière en 45 jours en moyenne. Ce chiffre cache des différences assez importantes entre les individus puisque les plus sportives et déterminées ont atteint La Neuville en moins de 12h. A l’inverse les plus patientes ont attendu plus d’1 an avant de se décider à migrer. Par exemple une anguille marquée en novembre 2018 a entamé sa migration en avril 2021 ! La dernière étape suivie depuis l'hiver 2020 à Sailly-Laurette n’a pas permis d’obtenir les résultats escomptés sur la saison à cause des conditions climatiques et des niveaux d’eau qui ont mis à l’épreuve le matériel. Néanmoins, 35 anguilles marquées ont tout de même été détectées par les antennes, en moyenne 13 jours après leur passage à la Neuville-lès-Bray 15km en amont, les plus rapides ayant mis 7h.
Ces premiers résultats montrent que la voie de migration jusqu’à la Baie de Somme n’est pas toujours facile à trouver pour les anguilles qui dévalent. Entre l’attente des bonnes conditions de migration et la recherche du chemin le plus direct à travers les étangs de la Haute-Somme, la dévalaison peut être fortement ralentie voir stoppée jusqu’aux années suivantes.
Et le reste du voyage ?